La construction d’hôpitaux par le biais de partenariats public-privé (PPP) soulève de nombreuses questions juridiques et éthiques. Ce modèle, censé allier efficacité du privé et intérêt public, fait l’objet d’une régulation complexe et en constante évolution.
Les fondements juridiques des PPP dans le secteur hospitalier
Les partenariats public-privé dans le domaine de la santé trouvent leur origine dans la loi du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat. Cette loi a étendu le champ d’application des PPP au secteur hospitalier, permettant ainsi aux établissements de santé de bénéficier de financements privés pour la construction et la gestion de leurs infrastructures. Le Code de la santé publique encadre spécifiquement ces partenariats, notamment à travers l’article L. 6148-7 qui définit les conditions de recours à ce type de contrat pour les établissements publics de santé.
La mise en place d’un PPP pour la construction d’un hôpital nécessite une procédure rigoureuse. L’évaluation préalable est une étape cruciale, imposée par l’article L. 1414-2 du Code général des collectivités territoriales. Cette évaluation doit démontrer la pertinence du recours au PPP par rapport aux autres modes de réalisation du projet. Elle prend en compte des critères tels que la complexité du projet, l’urgence, et l’efficience économique. La Mission d’appui aux partenariats public-privé (MAPPP), rattachée au ministère de l’Économie, joue un rôle consultatif important dans cette phase.
La régulation des aspects financiers et budgétaires
La dimension financière des PPP dans le secteur hospitalier fait l’objet d’une attention particulière du législateur. Le Code monétaire et financier, notamment dans ses articles L. 313-29-1 et suivants, encadre les mécanismes de cession de créances liés aux contrats de partenariat. Ces dispositions visent à sécuriser le financement des projets tout en préservant les intérêts de l’établissement public de santé.
La Cour des comptes exerce un contrôle rigoureux sur les aspects budgétaires des PPP hospitaliers. Dans son rapport public annuel de 2021, elle a souligné les risques financiers liés à ces contrats, notamment en termes d’endettement à long terme des établissements de santé. La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) impose une comptabilisation spécifique des engagements pris dans le cadre des PPP, afin d’assurer une transparence sur leur impact budgétaire à long terme.
Le contrôle de la qualité et de la performance
La régulation des PPP dans la construction d’hôpitaux intègre des mécanismes de contrôle de la qualité et de la performance. Le contrat de partenariat doit inclure des indicateurs de performance précis, conformément à l’article L. 1414-12 du Code général des collectivités territoriales. Ces indicateurs couvrent des aspects tels que la qualité de la construction, la maintenance des bâtiments, et la performance énergétique.
L’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP) joue un rôle clé dans l’évaluation de ces projets. Elle fournit des outils et des recommandations pour optimiser la gestion des PPP hospitaliers. Par ailleurs, la Haute Autorité de Santé (HAS) veille à ce que les infrastructures réalisées dans le cadre de PPP répondent aux normes de qualité et de sécurité des soins.
Les enjeux de la gouvernance et de la transparence
La gouvernance des PPP dans le secteur hospitalier est un aspect crucial de leur régulation. La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a renforcé les exigences en matière de transparence et de contrôle démocratique. Elle impose notamment une consultation obligatoire des instances représentatives du personnel et des usagers avant tout engagement dans un PPP.
Le Conseil d’État, dans sa jurisprudence, a souligné l’importance de la transparence dans la passation et l’exécution des contrats de partenariat. L’arrêt CE, 30 juillet 2014, n° 363007 a rappelé l’obligation de publicité et de mise en concurrence, même pour les avenants aux contrats de partenariat. Cette jurisprudence vise à prévenir les risques de conflits d’intérêts et à garantir l’égalité de traitement entre les opérateurs économiques.
Les défis de l’adaptation au contexte sanitaire
La crise sanitaire liée à la COVID-19 a mis en lumière la nécessité d’adapter la régulation des PPP hospitaliers aux situations d’urgence. La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a introduit des dispositions permettant d’assouplir temporairement certaines règles de passation des contrats publics, y compris les PPP.
Ces mesures d’exception ont soulevé des questions sur l’équilibre entre la nécessité d’agir rapidement et le maintien des garanties de transparence et de bonne gestion des deniers publics. Le Conseil d’État, dans son avis n° 400322 du 17 septembre 2020, a rappelé que ces assouplissements devaient rester proportionnés et limités dans le temps.
Les perspectives d’évolution de la régulation
La régulation des PPP dans la construction d’hôpitaux est appelée à évoluer pour répondre aux nouveaux défis du secteur de la santé. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 prévoit des dispositions visant à renforcer le contrôle des investissements hospitaliers, y compris ceux réalisés dans le cadre de PPP.
Par ailleurs, la transition écologique impose de nouvelles exigences en matière de construction et de gestion des infrastructures hospitalières. La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique introduit des obligations renforcées en matière de performance environnementale, qui devront être intégrées dans les futurs contrats de partenariat.
La régulation des partenariats public-privé dans la construction d’hôpitaux en France s’inscrit dans un cadre juridique complexe, en constante évolution. Elle vise à concilier les avantages de ce mode de financement avec les impératifs de qualité des soins, de maîtrise des coûts et de transparence. Face aux défis sanitaires, économiques et environnementaux, cette régulation devra continuer à s’adapter pour garantir l’efficacité et la pérennité du système de santé français.